Une rentrée DEHORS ? En cette rentrée de septembre, nos ribambelles d’enfants prennent le chemin de l’école… et de ses 4 murs ! Et pourtant… un petit groupe d’irréductibles pédagogues du dehors résistent encore et toujours à la peur du mauvais temps et à celle des injonctions sécuritaires… Et ils sont de plus en plus nombreux !

Une rentrée dehors ? Oui, pour beaucoup d’enseignant.e.s !

Depuis plusieurs décennies, des enseignant.e.s ont l’habitude d’emmener les élèves dehors. C’était même l’une des propositions de Freinet, souvenez-vous, avec ses classes promenades… Mais depuis 2 ans, amplifié par le confinement et les restrictions sanitaires dus au Covid-19, le mouvement « classe dehors » a pris une grande ampleur. Des milliers d’enseignant.e.s font désormais classe dehors, certain.e.s sur une demie-journée par semaine, certain.e.s pour les rituels… Les cours de récréation se transforment, lentement mais sûrement, remplaçant progressivement le béton par la verdure.

L’accompagnement à la pédagogie « Classe Dehors » se développe ! Du côté de l’éducation nationale, ce sont l’AGEEM, les conseillers pédagogiques telles Crystèle Ferjou, ou le réseau Canopée qui offrent un soutien aux enseignant.e.s souhaitant se lancer dans la pratique ! Du côté de l’enseignement supérieur, les enseignants-chercheurs prennent au sérieux le sujet, via, par exemple, de solides recherches-actions ou des colloques inter-professionnels. Le monde associatif n’est pas en reste, puisqu’il propose des formations à distance ou en présentiel à l’éducation par la nature. Enfin, des ouvrages dédiés sortent régulièrement, tel le récent « Faire Classe Dehors » du collectif Tous Dehors et Alexandre Ribeaud.

Alors, pourquoi une telle dynamique ? Et bien parce que l’école dehors, c’est bien meilleur pour la santé… Et pour l’apprentissage! Ce n’est pas moi qui l’invente, ce sont les scientifiques qui le disent ! Alors je vous propose un petit tour d’horizons des bienfaits attestés de l’éducation par la nature sur la santé et l’apprentissage.

Les bienfaits d’une rentrée dehors!

“Sortez les enfants, faites-les bouger, marcher, courir, grimper, construire dans la nature. Ils apprendront mieux, ils souffriront moins, ils aimeront plus la vie et les autres” (“Besoin de nature”, magazine Symbioses, 2013, p.6)

L’éducation par la nature n’est pas une nouveauté du XXIème siècle, ni même du XIXème siècle, loin s’en faut! En effet, le bon sens populaire a toujours vanté les mérites du grand air même si aucune preuve explicite venait à l’époque soutenir ces “croyances”. D’ailleurs, souvenez-vous de Rousseau qui prônait, déjà, une éducation simple en milieu naturel!

Une rentrée dehors : lire en nature

Depuis, plus d’un siècle, et mieux armés, les scientifiques cherchent à démontrer l’efficacité des activités de plein air sur les différentes capacités et compétences des humains, jeunes et vieux. Parmi ces scientifiques, les pédagogues ne sont pas en reste. De Montessori au “Skogsmull”1 du suédois Frohm, en passant par les religieuses de Bridgewater College, les enseignants et les chercheurs en éducation n’ont cessé d’expérimenter toutes formes de “classes en nature”.

Voir aussi les études qui soulignent les effets positifs de la nature sur la santé humaine

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Il y a beaucoup à dire sur l’histoire, le développement et les principes des écoles en nature. Je vous proposerai prochainement des articles sur chacun de ces sujets. Mais, aujourd’hui, je souhaite vous résumer les résultats des études les plus récentes menées dans le domaine de l’éducation en nature. Et, plus précisément, insister sur les qualités essentielles que lui ont trouvé les chercheurs. Les avantages d’une telle éducation sont nombreux. J’insisterai sur les principaux éléments qui en bénéficient :
– la santé
– l’autonomie et les fonctions exécutives
– le développement corporel
– la gestion du risque
– les compétences sociales

1. Santé

Les bienfaits de l’école en nature sont directement liés au fait que les enfants sont beaucoup plus actifs en extérieur qu’en intérieur. Ce constat n’est pas réservé à l’activité éducative. On sait, par exemple, que la marche en forêt augmente les capacités de mémoire immédiate par rapport à une marche en milieu urbain (voir l’étude de Berman, Jonides et Caplan, 2008)2.

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Mais revenons à l’éducation en rappelant un fait largement questionné par les neuro-pédagogues : pourquoi faire en sorte qu’un enfant apprenne à marcher pour ensuite lui demander de rester assis pendant des heures, en classe? (D’ailleurs, pourquoi aussi faire en sorte qu’un enfant apprenne à parler pour ensuite lui demander de se taire ou de ne parler que lorsqu’on le lui demande, pendant des heures, en classe?) Cela est totalement contre-productif (à ce sujet, voyez l’ouvrage “Libérez votre cerveau d’Idriss Aberkane ).

Dehors, donc, les enfants sont en mouvement. On le leur demande, à travers des activités majoritairement ludiques3 et actives. La conséquence immédiate de ce type de pédagogie est évidemment un résultat sur la santé. En effet, plus d’exercice physique équivaut à un moindre risque d’obésité, de déficience cardiovasculaire, etc. Egalement, le contact répété avec les microbes présents dans l’environnement renforce le système immunitaire3. Par ailleurs, évoluer dans un espace boisé limite évidemment l’exposition des enfants et de leurs accompagnants à la pollution urbaine. Et mentionnons, pour finir, la forte diminution du niveau de stress.

2. Autonomie et fonctions exécutives

Les pédagogies en nature donnent une place prépondérante au développement de l’autonomie des enfants. Dès la rentrée, et bien qu’il y ait une certaine progression imposée par les programmes, les élèves doivent eux-mêmes déterminer certains objectifs, choisir leurs activités et prendre des décisions. L’accent mis sur le développement de l’autonomie mène immédiatement à l’accélération des fonctions exécutives des enfants. En psychologie, les fonctions exécutives sont un ensemble hétérogènes d’opérations dites “de haut niveau”. On trouve, par exemple, la planification, la mise en place de stratégies pour atteindre un but, l’organisation, etc.

Une rentrée dehors : feu de bois

3. Développement corporel

Par ailleurs, l’apprentissage en nature fait nécessairement intervenir l’ensemble des fonctions psycho-corporelles. Il ne se limite pas au cerveau ou aux fonctions dites “intellectuelles” ou “analytiques”. “Notre être cognitif et affectif se construit, se vit et s’actualise en permanence avec et en fonction même de notre corps, et de notre corps en relation active, sensorielle et motrice en interaction physique avec le monde” (Symbioses, 2012, p.6). La grande puissance d’une éducation au dehors est que tout s’effectue en même temps : on fait « marcher » les neurones, où et quels qu’ils soient (cerveau, cœur, estomac…). Pas étonnant, donc, que, en apprenant en mouvement, les élèves affichent d’excellents résultats, même dans les matières telles que les maths et le français, réputées “intellectuelles”…

J’invite ici les lecteurs intéressés qui voudraient approfondir la question de l’apprentissage ou de la cognition dite “incarnée” à se diriger vers les travaux du psychologue Francisco Varela. Vous pouvez commencer par ce bref résumé des travaux de ce grand chercheur, avant d’aller plus loin.

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4. Gestion du risque

S’il vous arrive d’observer les élèves d’une école en nature, vous aurez peut-être, comme moi au début, un serrement au cœur en les voyant utiliser une scie, un marteau, ou un autre outil. Rassurez-vous, l’apprentissage est progressif : les plus grands utilisent les outils tandis que les petits ramassent des feuilles, préparent le chantier, etc. Les consignes sont largement expliquées en amont (et répétées!) et les adultes sont toujours présents.

Une rentrée dehors : enfant et risque

En fait, l’un des autres avantages non négligeables de l’école en nature est que les enfants apprennent à prendre des risques et, de ce fait, savent rapidement les gérer. Ils intègrent ainsi la notion de risque comme faisant partie de la vie et découvrent leurs propres limites par rapport au danger. La peur ne s’ajoute alors pas systématiquement à la prise de risque, qui devient mesurée. Les études qui ont suivi le développement d’élèves d’écoles en nature montrent que ces enfants deviennent plus tard des décideurs innovants5.

5. Les compétences sociales

La pédagogie du jeu et de la débrouille qui ont lieu en nature renforcent chez nos petits humains leurs compétences à faire équipe. La collaboration s’acquiert de manière transversale et implicite : dans la nature, on fait comme elle, on l’imite, on « biomimétise ». On apprend les choses en s’appuyant sur une sorte de compétition solidaire : les jeux en équipe, le souci du collectif, la motivation par des enjeux communs (y compris ceux des autres espèces, végétale et animale), sont les principes de base de l’école en nature. Egalement, les décisions se prennent collectivement, souvent à la manière des écoles démocratiques. Cela fait grandir chez les élèves une conscience des enjeux collectifs et de la place de leur individualité au sein de ce collectif.

En bref : Une rentrée dehors cette année !

Reprenant une trentaine de recherches en pédagogie et psychologie de l’éducation, les auteurs de “L’école à ciel ouvert” (Silviva) résument ainsi les apports d’une éducation en nature en listant “les compétences clés pour la vie, travaillées en plein air” :
– Bonne condition physique
– Résistance physique et psychique
– Surmonter des situations difficiles
– Gestion du stress
– Créativité
– Stratégies d’adaptation

La “pédagogie du dehors” offre de nombreux autres apports, en particulier une éducation au développement durable et de nombreuses compétences transversales, telles qu’une bonne capacité à communiquer ou la créativité. Nous les explorerons prochainement! En attendant, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne rentrée dehors 🙂

Références :

1. Le concept de “Skogsmulle” souligne la nécessité de (re)connecter les enfants avec la nature. Inventé par Göesta Frohm, la pédagogie “Skogsmulle” a donné lieu à la création de plusieurs centaines d’écoles en nature dans toute la Suède.

2. The cognitive benefits of interacting with nature, Psychological Science, (2008).

3. Les écoles-forêt ou les écoles en nature privilégient l’apprentissage par le jeu, inséparable de la pédagogie en nature. Voir le chapitre “Déployer le jeu” du livre de Fauchier-Delavigne et Chéreau (2019) Pour une révolution verte de l’éducation).

4. Schwartz, Joel “Regulation of the immune system by biodiversity from the natural environment: an ecosystem service essential to health”, PNAS, nov. 2013.

5. Helen Little et Shirley Wyver (2008) “Jeu en extérieur : éviter les risques diminue-t-il les bénéfices?”, Australian Journal of Early Childhood, n°33, pp.33-40.

Pour aller plus loin :

Podcast France Culture : « À l’école de la nature » (2019) avec Julie Delalande (Anthropologue, professeure des universités à l’université de Caen-Basse Normandie), Hildegard Heinzle (Directrice d’une école maternelle à Dijon) et Moïna Fauchier-Delavigne Journaliste et autrice

Monce (2019) Bains de forêt (consultez particulièrement les sections “Créer” et “Jouer” dédiées aux activités avec les enfants)

Rapport de l’éducation nationale écossaise, “Outdoor learning, practical guidance, ideas et support for teachers and practicionners in Scotland”, 2011, p.8-12.

Fondation SILVIVA (2019) L’école à ciel ouvert.

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6 Responses

    • Le problème de l’école, c’est qu’elle est une structure lourde! Difficile, même quand les enseignants veulent instaurer la pédagogie par la nature dans leurs classes, de convaincre les autorités, les parents, etc. Mais une fois lancés, ils font des très belles choses ! Voir ce qu’a réussi à faire Crystèle Ferjou dans l’académie de Poitiers 🙂

  1. Le concept d’école forêt et plus largement « nature » doit être très largement diffusé et les réalisations concrètes qui en découlent, soutenues et encouragées.

    • Absolument! L’idée intéresse de nombreux enseignants mais la logistique à mettre en place et la peur du risque sont des freins à lever auprès des institutions et des parents d’élèves… Un travail au long cours qui portera ses fruits, bientôt je l’espère!

  2. Bonjour,
    Je trouve ça très intéressant d’expliquer tous les bienfaits pédagogiques d’une sortie dans la nature. La nature, c’est le meilleur système sur terre. C’est tout de même dommage de se priver de ça 😉
    Pierre-Christophe

  3. Je partage tout à fait cette vision, les enfants devraient passer moins de temps enfermés entre 4 murs ou dans des cours de récréation bétonnées, et plus de temps dans la nature. En plus des bénéfices très bien expliqués dans l’article, c’est aussi cette reconnexion avec le vivant qui donnera envie à nos enfants d’en prendre soin. Et nous en avons bien besoin !

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