Aujourd’hui est un grand jour : chers lecteurs-auditeurs, je vous propose mon premier podcast (soyez indulgents s’il vous plaît!)! La sortie du livre de Crystèle FERJOU « Emmenez les enfants dehors » est la plus belle opportunité dont j’aurais pu rêver pour me lancer dans la chronique de livres en mode podcast!!! Ecoutez donc, pour voir!

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« Emmenez les enfants dehors! » Tel est le titre du livre de Crystèle Ferjou, avec Moïna Fauchier-Delavigne, un livre paru fin août 2020 aux éditions Robert Laffont.

J’ai choisi de vous parler de ce livre parce qu’il ne s’agit pas seulement d’un retour d’expérience, celui d’une pionnière de la pédagogie du Dehors, mais aussi parce qu’il est symptomatique de la prise de conscience actuelle : on apprend mieux dans la nature!

Le livre de Crytèle Ferjou nous emmène, nous aussi, dehors, à travers 5 chapitres rédigés dans un style rigoureux et simple à lire à la fois, chapitres suivis d’une boîte à outils et de ressources très complètes à destination des parents et des enseignants.

Ferjou et les enfants sans dehors

L’introduction pose le décor, le décor assez sombre de la situation éducative actuelle, qui est le quotidien de millions d’enfants dans le monde. C’est celui de la classe fermée, entre quatre murs, celui du syndrome de manque de nature – à la fois en classe et à la maison – et de la sédentarité croissante des populations. Près de 50% des enfants ne jouent plus dehors et ceux qui ont la chance de profiter de l’extérieur sont rarement les enfants issus des milieux les plus défavorisés. Cette coupure d’avec la nature – dont nous faisons pourtant partie, d’ailleurs! – s’explique en grande partie par la technologisation croissante de nos sociétés : les 3/4 des enfants passent un temps considérable devant les écrans. C’est un temps qu’ils ne passent pas à jouer dehors!

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Contrairement aux pays scandinaves, terres natives des forest schools, ces écoles-forêt qui font classe en extérieur, quel que soit l’âge des enfants ou le temps qu’il fait, la France traîne du pied sur la question de l’éducation en nature. La peur du risque chez les parents et les éducateurs mais aussi le manque de flexibilité institutionnelle sont les causes de ce retard.

Et pourtant, les bénéfices de la pédagogie du Dehors sont bel et bien là, prouvés désormais par les scientifiques.

“En plus des effets sur l’activité physique – écrit Crystèle Ferjou – les expériences de nature sont aussi bénéfiques pour le développement émotionnel et social des enfants, leur conscience environnementale et leurs compétences cognitives. Notamment leurs capacités de concentration, de coopération et de créativité. Il est même aussi désormais largement prouvé qu’une éducation qui s’appuie sur la nature est plus efficace pour les apprentissages et la réussite scolaire qu’une éducation conventionnelle, et les effets sont particulièrement marqués sur les enfants en difficultés”.

Il y a 10 ans, quand ces constats n’étaient pas encore faits, Crystèle Ferjou installait progressivement sa classe de maternelle dans un jardin jusqu’à ce que, quand elle fut suivie par ses collègues, l’école de Pompaire, dans le département des Deux-Sèvres, devienne “l’école aux 140 paires de bottes, et même un peu plus avec celles des adultes!” Maintenant Conseillère Pédagogique, Crystèle forme les enseignants à emmener les enfants dehors!

Le dehors est inclusif, selon Ferjou

L’immense avantage de l’extérieur est qu’il permet aux enfants tout un tas de choses qui leur sont interdites en intérieur (par exemple, sauter, courir, crier) ou qui leur sont inaccessibles (par exemple, jouer avec des bâtons, passer du temps à rêver, sauter dans les flaques, etc.). Mais l’apport essentiel de ces activités est qu’elles provoquent des apprentissages aussi divers que la prise de parole, la lecture, les maths, etc. Crystèle donne l’exemple de ce petit garçon timide qui est entré progressivement en langage, qui a osé communiquer avec ses camarades grâce à ses jeux autour d’une flaque d’eau : il commence par se raconter des histoires à haute voix avant de les raconter devant le groupe.

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La présence répétée des enfants au sein de la nature fait fructifier l’imaginaire, la curiosité et l’émotionnel, vecteurs d’apprentissage. Par ailleurs, cet environnement donne une plus grande liberté, aux enfants bien sûr mais aussi aux enseignants (gestion de groupe simplifiée, meilleure coopération entre élèves, progression des enfants les plus en difficulté, etc.).

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C’est inspirée par le livre de Sarah Wauquier, « Les Enfants des bois », que Crystèle Ferjou se lance dans l’aventure de l’école dehors, à travers la mise en place d’un jardin sur un terrain vague situé derrière son école où elle emmène sa classe de maternelle au quotidien. Il faut dire que Crystèle a un passé professionnel d’éco-interprète, et qu’elle a tous les atouts pour se lancer dans l’aventure, y compris un enthousiasme débordant (et il en faut pour se lancer dans ce type d’initiatives!). Les parents suivent la démarche, équipent leurs enfants. Ces derniers, perdus au début, se prennent vite au jeu et se lancent dans les activités proposées. Même les plus réservés finissent par s’épanouir au contact des fleurs, fruits et plantes du jardin!

Ecole en extérieur_thumb[1]

Un espace d’apprentissage privilégié

Le jardin où Crystèle fait classe n’a rien d’exceptionnel, selon ses propres dires. Il y a seulement “de l’herbe, des plates-bandes, de l’air et du ciel”. Mais dans cet espace sobre et heureux (l’un va souvent avec l’autre!), les enfants sont mis en posture d’apprentissage de manière efficace.

Une stimulation tout en douceur

Premièrement, parce qu’ils sont en contact avec les éléments naturels (feuilles, bois, herbe, eau, terre, sable, oiseaux, etc.) qui constituent “une richesse sensorielle stimulante”. Or l’intérêt de ces éléments naturels est qu’ils stimulent les enfants de manière constante sans qu’elle soit excessive (contrairement aux jeux vidéo, par exemple).

Une stimulation émotionnelle

Deuxièmement, parce que cette stimulation va de paire avec l’émotion. En effet, la nature est vitale aux humains et, loin d’elle, ils développent un syndrome dit “de manque de nature”, qui est à l’origine de dépression, de sédentarité et de mal-être émotionnel1. Maison-mère de notre espèce, la nature nous apporte bien-être et sérénité. Changeante au fil des jours, elle stimule la curiosité et favorise les émotions (surprise, joie, tristesse, peur…) des petits humains. Or l’émotion est un vecteur de motivation, de mémorisation et, donc, d’apprentissage extrêmement puissant.

Une restauration de l’attention

Ensuite, la nature a ceci de particulier qu’elle captive les humains ; elle les amène à une douce contemplation (une “attention non dirigée”, dans les termes de R. et S. Kaplan)2. La nature a une fonction de “restauration attentionnelle”, selon ces mêmes chercheurs, et contribue ainsi à un mieux-être psychologique chez de nombreux enfants.

Classe en plein air_thumb[1]

Une pédagogie transdisciplinaire

L’impact bénéfique du dehors sur l’apprentissage n’est pas réservé à l’éducation à l’environnement ou à l’éducation physique mais s’applique bien à toute discipline. Il est donc par nature transversal et transdisciplinaire. Voici quelques exemples donnés par Crystèle Ferjou, à exercer dehors :

– pour l’apprentissage des mathématiques : mesurer les arbres, la circonférence des troncs, leur hauteur, etc.

– pour les arts créatifs : dessiner le portrait d’un arbre ;

– pour la lecture et l’écriture : « imaginer comment écrire avec des bâtons en gravant une surface de terre, en utilisant des écorces, [ce qui] aide à développer l’écriture d’histoires, de descriptions documentaires et de fictions”.

Une pédagogie pragmatique

Stimulante intellectuellement, donc, la nature n’en est pas moins une expérience pragmatique : on apprend en faisant, en touchant, en essayant. Cette démarche expérientielle s’appuie sur un rapport direct avec les éléments (et non médiés par le discours de classe) et par l’aide mutuel entre les pairs. L’une des facettes les plus essentielles de ce type de pédagogie est qu’elle implique ainsi une relation d’interdépendance avec les éléments et non celle de domination. L’enfant teste et découvre grâce à l’interaction avec les éléments et avec ses camarades mais sans qu’il soit dans son intérêt de les dominer.

Des milliers de lieux possibles

Puisque Crystèle a pu faire de ce bout de terrain un stimulant espace d’enseignement et d’apprentissage, elle encourage les enseignants à découvrir des lieux simples et faciles d’accès où ils pourront à leur tour s’exercer à l’école dehors. Dans les villes sans nature à proximité, il est parfois possible de dénicher un petit terrain vague, un terrain de foot abandonné ou bien, ce qu’ont déjà fait plusieurs écoles, de carrément transformer la cour de récréation en jardin-école!

Qui ne risque rien n’a rien, dit Ferjou

Dépasser nos peurs

“On a pas besoin de crier et tout le monde est plus zen” constate une enseignante en nature, craignant pourtant au début d’aller faire classe au dehors. Face au devoir de surveillance inhérent à leur profession, les enseignants craignent logiquement que les enfants se blessent, qu’ils prennent la poudre d’escampette ou se perdent en route. De même qu’avec les parents, le principal verrou à faire sauter pour une éducation en nature passe par l’acceptation que, de toute manière, on ne peut pas toujours tout contrôler (et tant mieux pour les enfants!). En fait, un contrat de confiance mutuel s’établit clairement dès le début des cours en extérieur, entre enseignants et enfants : on leur laisse plus de liberté de mouvement, de parole et de cris. En échange, on attend d’eux une certaine forme de responsabilité.

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“Jouer, c’est apprendre”

Le “jeu libre” définit les moments où les enfants font ce qu’ils veulent dans la nature. Il est essentiel car il permet l’expérience autonome, suscite l’imaginaire, invite à la sociabilité, à la négociation avec les camarades et à la coopération. Les temps de jeu solitaire, où l’enfant se repose, observe, fabrique des choses et parle aux éléments sont également encouragés car ils offrent des espaces de retraite aux enfants.

Voir les bénéfices plus que les risques

La surprotection nuit à l’épanouissement des petits humains de la même manière qu’elle empêche les plantes de se développer. Les parents laissent bien leurs enfants prendre le risque de tomber lorsqu’il apprend à marcher. S’ils voulaient empêcher cette prise de risque, alors ils empêcheraient l’enfant de marcher. L’apprentissage, comme la vie, est ponctué d’obstacles, mais c’est le fait de les dépasser qui fait grandir. La peur de prendre des risques est caractéristique d’une “pensée assise”, très française, qui sépare bien trop souvent l’activité intellectuelle du corps de l’élève.

enfant risque

Responsabiliser l’enfant

Lâcher prise sur un certain contrôle de l’enfant ne signifie pas laxisme. Cela peut, au contraire, constituer un pilier d’apprentissage et une voie vers l’autonomisation et la responsabilisation de l’enfant. Lui-même anticipe le danger lorsqu’il n’est pas systématiquement contrôlé par l’adulte, il apprend à doser ses prises de risque. D’autant plus que des règles sont posées d’entrée de jeu (ne pas faire mal, ni à soi, ni aux autres ; ne pas détruire l’environnement).

Une pédagogie inversée

Les enseignants passent souvent par une étape où ils doivent apprendre à enseigner différemment. En effet, on ne part plus du programme mais des actions de l’enfant. Ce renversement de posture implique, chez les enseignants du dehors, une grande qualité d’observation, d’écoute et de flexibilité.

En bref

Si la pédagogie du dehors est souvent assimilée à l’éducation à l’environnement ou aux activités sportives, elle a de nombreux autres atouts. Elle développe la propension des enfants à  l’émerveillement, qui participe à la joie, donc au bien-être. Elle provoque tout un imaginaire qui développe l’esprit créatif et inventif chez l’enfant. Elle offre une véritable expérience esthétique et la sensibilité qu’elle induit. Bref, pourquoi s’en priver?

Et demain? Tous dehors, espère Ferjou!

Crystèle Ferjou s’étonne elle-même, et s’en réjouit, du succès de son initiative. 10 ans après ses débuts du dehors à Pompaire, elle forme les enseignants, en tant que conseillère pédagogique, à l’enseignement en extérieur. Et devinez où Crystèle fait ses formations continues pour adultes? Dehors, bien sûr! Dans son académie, plus d’une centaine d’enseignants font classe dehors. C’est un nombre en augmentation depuis le confinement lié à l’épidémie Covid-19. Crystèle coordonne un groupe de travail consacré à l’élaboration de ressources pour les “enseignants du dehors”. Des demandes ne cessent d’affluer pour des formations de formateurs, en formation initiale ou continue.

Pour finir, “L’organisation de la classe à l’air libre est donc une possibilité encouragée” déclare, à la grande joie des éducateurs en nature, le ministère de l’Education nationale dans le protocole sanitaire relatif aux écoles et établissements scolaires du 22 juin 2020. Pour Crystèle, c’est le signe encourageant d’un changement de paradigme autour des pratiques d’enseignement en extérieur.

Pourquoi lire “Emmenez les enfants dehors!” de Crystèle Ferjou?

J’ai apprécié l’ouvrage pour les raisons suivantes :

Un style léger et optimiste

D’abord, pour le style d’écriture de l’auteure, simple, envolé, joyeux, optimiste ; la plume coule de source, si l’on peut dire, les mots s’enchaînent harmonieusement. Ensuite, j’ai beaucoup aimé la posture de Crystèle Ferjou. En effet, loin de donner des leçons dans un domaine qu’elle connaît pourtant si bien et où il y a encore tant à faire, l’auteure enchaîne indications biographiques, citations scientifiques et journalistiques, descriptions de ses contextes d’enseignement et de formation, toujours de manière très précise mais sans jargon. Surtout, elle rapporte de manière extrêmement vivante les expériences d’enfants qu’elle a emmenés dehors. Elle décrit avec une profonde empathie leurs difficultés, leurs doutes, et puis leurs joies et leurs succès. On se régale à la lecture de ce livre simple, unifié, cohérent et tellement naturel!

J’ai appris que…

J’ai beaucoup appris à la lecture de “Emmenez les enfants dehors” :

– J’ai appris les nombreuses recherches sur le syndrome de manque de nature et sur les solutions apportées par les spécialistes, solutions qui n’attendent finalement qu’une actualisation politique ;

– J’ai appris à connaître toutes ces femmes enseignantes qui, au quotidien, œuvrent dans (ou plutôt “en-dehors)” de leurs classes respectives pour rapprocher leurs élèves des jardins, des forêts, des prés et des lacs ;

– J’ai appris les immenses bienfaits d’une éducation en nature sur les aspects cognitifs, sociaux, intellectuels, physiques et émotionnels du développement de l’enfant ;

– J’ai compris, finalement, que, moi aussi, j’aimerais enseigner à mes étudiants dehors!

1. Richard Louv, 2020, Une enfance en liberté, Protégeons les enfants du syndrome de manque de nature.

2. Kaplan & Kaplan (1989) The experience of nature.

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5 Responses

  1. c’est une excellente chose de faire sortit les enfants dehors, personnellement, mes plus belles années à l’école, c’était quand on sortait à l’extérieur.

    • Bonjour,
      J’ai grandi dans hameau de 300 habitants et le terrain de jeu était la nature. C’était mes plus belles années. C’était synonyme de liberté et d’imagination car il fallait s’inventer de nouveaux jeux et coopérer avec mes camarades 😉
      Je suis à 100% d’accord avec vous, merci pour vos mots 😉

    • Oui, absolument! Ce fut le cas pour moi en tant qu’enfant, et quand je vois le bonheur des petits quand ils courent dans les prés ou la forêt, je ne regrette pas le choix d’une école en nature!

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