Tout allait bien. Vraiment tout. Après des années d’études, enfin le Graal! Le soleil brillait sur l’université où je faisais mes premiers pas comme enseignant-chercheure : des collègues passionnés, des étudiants enthousiastes, des projets de recherche plus intéressants les uns que les autres. Un brillant futur se dessinait à mes yeux, seulement ombragé, de temps en temps, par un je ne sais quoi tapi dans l’univers urbain qui m’entourait. Un petit quelque chose d’imperceptible qui me serrait la poitrine au sortir du métro gris, dans la ville grise, dans le béton gris de ma nouvelle vie.

Et puis c’est arrivé, d’un coup : des gens ont décidé d’en tuer d’autres. Des coups de feu, juste derrière chez moi, suivis d’une explosion. L’incompréhension, suivi de l’hébétement. Le 13 novembre 2015, la ville s’est arrêtée, Paris s’est immobilisée, et nous avec, et moi avec. Le lendemain, prise dans un soudain mouvement de panique dans un café, je vois défiler ma vie, écrasée sous des gens que je ne connais pas, qui respirent à peine. L’attente, le silence, le souffle bruyant des gens couchés sur des verres éparpillés. Un “des terroristes arrivent!” paniqué avait fait éclater mon quotidien. Puis, la police, leur arme au point, qui nous tenaient en joue, prêt à faire feu, dans leur recherche désespérée de l’un des fuyards de la veille.

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J’ai compris ce jour-là que le gris qui m’oppressait depuis longtemps était annonciateur d’un ras-le-bol de l’urbain, de la foule, de l’uniformisme, du danger propre au collectif, du manque de lien avec ma nature profonde: la nature. Depuis, tous les jours, l’accélération de mon rythme cardiaque, les difficultés à trouver ma respiration, mon angoisse lancinante de prendre les transports en commun m’ont pourri la vie. Socio-phobie, me dit-on, claustro-phobie, m’annonce-t-on, agora-phobie, m’assure-t-on. Je nage en pleine phobie, je m’y noie. Alors, j’essaie de m’en sortir : méditation, yoga, sophrologie, EMDR, psychothérapie… Les symptômes diminuent, voire s’arrêtent, mais le malaise persiste. Un jour, je m’écroule dans le hall de l’université : contracture du diaphragme. Arrêt maladie. Je ne lâche pas, je ne lâche rien, je veux y retourner, dans cet univers gris synonyme pour moi de culture et de réussite. J’en deviens malade, je ne supporte plus, mais j’insiste. Et un jour, je ne peux plus me lever, et pour cause : j’ai brûlé mes neurones et mon énergie, j’ai fait un “burn-out”.

Mon histoire, unique mais semblable à beaucoup d’autres, peut-être à la vôtre, ne s’arrête pas là : j’ai déménagé, j’habite en forêt, je suis entourée par le monde animal et végétal, j’ai ré-appris à respirer, j’ai créé des choses sur la pédagogie en nature et sur l’importance d’un collectif serein dans un environnement sain, j’envisage d’autres manières d’exercer mon métier-passion : l’enseignement et la recherche.  Alors, heureuse? Oui! Le cauchemar psychologique et physique que j’ai vécu a été ce que j’appelle “Mon Professeur Radical” : j’ai appris qu’il faut savoir reconnaître les signes que nous envoie le corps quand il a dépassé les limites du supportable ; j’ai ressenti la puissance du syndrome de manque de nature et m’en suis libérée ; j’ai compris dès lors l’effroyable maladie du siècle : s’imaginer que l’on peut vivre coupés du lien qui nous unit avec l’univers végétal et animal ; j’ai compris que ce mal du siècle était en partie à l’origine de la violence entre humains ; je sais depuis lors qu’il vaut mieux vivre seul et heureux qu’entouré socialement mais mal accompagné.

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Que vous soyez citadin ou campagnard, je veux témoigner – de par mon vécu et celui des autres que j’ai écouté – que la vie, la vôtre, la mienne, ce n’est pas de se faire agresser. Ni par d’autres personnes, ni par un univers qui ne vous convient pas, dans le fond de vos tripes. Personne ne mérite ça, personne. La vie, c’est une aventure bien trop courte pour repousser à demain l’envie d’aujourd’hui. La vie – la vôtre, la mienne – c’est maintenant et c’est en bonne santé qu’il faut la vivre. Au risque de sombrer dans la poésie de comptoir (j’assume!), je dis que la vie, c’est se réveiller le matin pour voir le soleil se lever, le vent agiter les arbres et entendre les oiseaux chanter. C’est de voir un enfant s’élancer dans un champ avec toute la force vitale que nous, les adultes, avons perdue à force de trop (nous) raisonner. La vie, c’est savoir faire le choix de vivre avec moins mais beaucoup mieux. La vie, c’est d’écouter vos tripes vous dire à quel moment il faut vous tirer de là!

A la rencontre de votre Professeur Radical! Quel événement vous a déjà conduit au changement? Ou quel événement vous y conduira prochainement? Il joue peut-être encore à cache-cache avec vous… Mais si vous le repérez, n’attendez-pas, demandez-lui – demandez-vous – ce qu’il a à vous apprendre. Ce qu’il faut changer de votre maintenant pour un demain ensoleillé… Tic tac, tic tac, tic tac, le temps s’écoule : êtes-vous sûr que vous êtes heureux, là, tout de suite maintenant?

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2 Responses

  1. Merci pour ce partage qui fait beaucoup écho. Ca me fait rêver de t’imaginer vivre en forêt, surtout en ce moment, où je trouve de plus en plus absurde d’être coincée entre les 4 murs de ma vie parisienne, tout ça pour un loyer démesurément élevé…. Bref continue de nous faire rêver stp 🙂

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