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Nous avons la chance aujourd’hui d’entendre Jean-Marie DEFOSSEZ, qui est l’un des pionniers de la sylvothérapie et des bains de forêt. Il est également physiologiste, spécialisé dans les techniques de gestion du stress et des inflammations. Amoureux des arbres depuis son enfance, convaincu que ces géants au grand cœur ont beaucoup à nous apporter, il a construit le site www.sylvotherapie.net bien avant que cette discipline ne soit connue du grand public. A travers l’Ecole Buissonnière de Sylvothérapie qu’il a fondée, Jean Marie DEFOSSEZ donne désormais des conférences sur les bienfaits des arbres et propose une formation certifiée en sylvothérapie.
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Plan de l'article
Respirer en forêt
Laura de Ma Petite Forêt : Et bien bonsoir Jean-Marie, je suis très heureuse de t’accueillir pour cette première interview, et sans plus attendre je vais directement te poser la première des trois questions que j’ai en tête. La première évidemment est celle qui porte sur ta pratique, à savoir la pratique de “Coach respiration pratiquée en forêt” ou ta démarche de sylvothérapie est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus?
Respirer avec les arbres, c’est bon pour le nerf vague!
Jean-Marie DEFOSSEZ : Oui bonjour Laura, bonjour à ceux qui nous écouteront, qui nous écoutent. Donc Coach respiration est une approche de gestion des stress par un travail sur la respiration et une attention au nerf vague1, un nerf qui est anti-inflammatoire et qui est le nerf de l’apprentissage, de la sociabilité aussi dans le corps humain… Il y a une partie de la Coach Respiration qui va utiliser – au sens noble du terme – le côté réparateur, le côté générateur de bien-être qu’offre le contact avec la nature. Et ça crée une branche de la Coach-respiration qu’on appelle “Coach respiration en extérieur” ou “en nature” qui va s’approcher, par exemple, lors de pratiques en forêt, de quelque chose qu’on pourrait inclure dans une approche de sylvothérapie donc l’utilisation du milieu forestier pour du bien-être.
Donc ça consiste principalement en des activités respiratoires, ensuite d’immersions émotionnelles, émotionnelles à l’intérieur du milieu forestier. Et ces milieux forestiers, et ce n’est pas une anecdote, c’est vraiment une chose qui est démontrée par les neurosciences, les milieux forestiers, les milieux naturels spontanés sont des endroits où le cerveau humain se met spontanément dans des niveaux de stress qui sont plus bas que dans les milieux modernes, urbains, etc.
Donc on va profiter à la fois de pratiques respiratoires qui sont génératrices de baisse de stress, génératrices de mieux-être et de l’environnement naturel, forestier, qui lui aussi travaille dans le même sens. On crée une synergie comme ça. Quand les niveaux de stress s’abaissent, on augmente la connexion à soi-même. Mais aussi, et c’est aussi le nerf vague, la connexion aux autres, la connexion à la nature. Et vous obtenez un lieu qui est particulièrement propice pour être connecté à ses sensations, à ouvrir la pleine puissance des sens, l’accueil des sensations et, de fils en aiguilles, l’accueil des émotions qui peuvent être liées aux sensations elles-mêmes (les cinq sens) et les émotions qui viennent du fait de se sentir, et ça c’est un autre sens, se sentir vivant.
Respirer pour se sentir vivant
Dans la nature, se réveille notre nature, une nature qui est sensible, cette sensibilité à la nature nous rend sensible à la nature. C’est une sensibilité qui nous définit comme être vivant. On est pas sensible parce qu’on a un défaut, on est sensible parce qu’on est vivant. C’est la définition du vivant. Est vivant ce qui est sensible. Ce qui est pas sensible peut pas s’adapter, n’est pas vivant. Donc on a quelque chose de très beau au niveau scientifique, neurologique, et aussi au niveau symbolique. Une sensibilité à la nature qui est retrouvée, une sensibilité à notre nature sensible, sensible à la nature qui elle aussi est sensible.
Et ça crée une synergie qui est une synergie de vie. De vie, c’est à dire d’amélioration des conditions vraiment physiologiques – physiques, chimiques, biologiques – mais aussi de vie psychique, où vous avez le mental qui s’ouvre à ce qui est nouveau, qui s’ouvre à des capacités d’apprentissage. Et ça donne vraiment une synergie qui est très très intéressante. Et il y a quelque chose qui se forme qui est le fait qu’on touche à l’unité des choses. On cherche pas à couper le corps, l’esprit, moi, la nature. En fait, vous entrez dans une immersion en vous et à l’intérieur de ce qui est comme vous, c’est à dire la nature sensible.
Voir les études scientifiques sur les bienfaits de la forêt sur la santé
Laura de Ma Petite Forêt : Et partant de cette très riche approche qui est la tienne, celle que tu as développée, quels seraient les conseils que tu donnerais à ces nouveaux thérapeutes, ou même un amateur des bains de forêt qui débute? Quels seraient les conseils que tu pourrais nous donner, lui donner?
Le conseil de Jean-Marie DEFOSSEZ : respirer et ralentir, c’est la santé!
Jean-Marie DEFOSSEZ : alors, la forêt peut travailler par elle-même. Le simple fait d’entrer en milieu forestier, pour autant que vous lui accordiez de l’attention (si c’est pour y aller avec le téléphone portable, le MP3 dans les oreilles, etcétéra ça ne sert pas à grand-chose). Mais si vous accordez de l’attention au milieu forestier, il faut savoir que les arbres vont déjà faire énormément de travail par eux-mêmes. C’est une réalité. Maintenant on peut aider ce travail en allant dans le même sens. Et ce même sens ça va être, et ça rejoint ce qu’on a dit un peu, ça fait écho, de restaurer la sensibilité. Imaginez qu’au lieu d’être déjà réceptif à la forêt on devienne hyper réceptif à la forêt. Pour augmenter le niveau de sensibilité profonde, il faut aller dans le sens de stimulation du nerf vague et c’est tout ce qui est apaisant. Et nous possédons tous en nous qui est particulièrement apaisant, qui est l’outil de contrôle respiratoire.
Mon conseil serait d’adoucir cette respiration et en gestes de respiration, le mouvement le plus doux, l’état le plus doux, c’est les expirations qui ont été approfondies qui amènent des poumons qui sont plus vidés. Et vivre avec des poumons qui sont plutôt vidés que des poumons qui sont toujours remplis, pleins, thorax gonflé par le stress. Donc si vous entrez en forêt, ralentissez le temps, pour regarder autour de vous, et pendant ce processus, expirez une fois, attendez un petit peu, expirez une deuxième fois et laissez une lenteur vous imprégner. Vous ralentirez pas le temps physique mais vous ralentirez un temps qui est le temps biologique et qui est un grand ami de la douceur. Donc voilà mon conseil : ralentir le souffle. C’est pas vraiment une question de le ralentir dans le temps, c’est ralentir le temps lui-même et laissez votre expiration devenir profonde et ensuite respirez dans cet endroit où l’expiration était profonde.
Respirer pour mieux apprendre
Laura de Ma Petite Forêt : ma troisième question va au monde de l’éducation, bien sûr, tu l’as mentionné tout à l’heure, brièvement, la question de l’apprentissage. Je te poserai la question suivante : quel lien vois-tu entre ce travail sur la respiration en forêt et le travail des éducateurs, l’éducation des enfants, le développement des enfants. Quels liens pourrais-tu faire entre ces deux aspects là de la vie, finalement?
Jean-Marie DEFOSSEZ : On peut mettre en mettre trois. On pourrait dire qu’il y a respiration, le fait d’aller en forêt, d’inviter la nature, soit la retrouver parce qu’on y va, soit l’inviter dans nos bâtiments modernes, parce que c’est aussi une option qui est possible. Dans nos bâtiments, autour de nos bâtiments, végétaliser une façade, replanter des arbres dans une cours d’établissement scolaire, ce n’est pas du tout farfelu ni accessoire et cette éducation.
Respiration, Nature, Apprentissage
Or ce qui peut être dit c’est que par la respiration, il est possible d’améliorer, d’optimaliser une partie de l’action du nerf vague, que la présence, l’immersion en milieu naturel optimalise également une partie l’action du nerf vague et que ce nerf vague est le levier qui détermine notamment notre capacité de vivre ensemble et d’apprentissage. Nos capacités d’ouverture, nos capacités à construire nos liens sociaux (c’est à peu près le vivre ensemble) notamment.
C’est aussi le levier de l’anti-inflammation. Quand vous êtes enflammés, vous êtes pour le combat, vous êtes contre les choses, vous vous disputez, vous n’êtes pas pour le compromis. Quand vous vous apaisez, et la respiration et la forêt ont cet effet apaisant qui est démontré par des études de neurosciences, vous facilitez les pensées paisibles, vous facilitez la capacité du corps de s’adapter à tout point de vue. Que ce soit d’un point de vue immunitaire, que ce soit d’un point de vue résistance aux maladies, que ce soit d’un point de vue d’apprentissage.
C’est du non-sens, aujourd’hui avec ce qu’on sait, de maintenir des enfants dans des bâtiments où il n’y a pas un brin de nature et où ils vont devoir rester assis des heures et des heures par jour alors qu’ils ont même pas dix ans. Ca n’a pas de sens. Le corps humain ne se sent pas bien dans ces situations. Le corps humain est fait pour bouger, le corps humain est fait pour vivre entouré de choses naturelles.
Sortir! Un instinct de survie
Qu’est ce qui se passe concrètement? Nous avons en nous une partie instinctive. On aime peut-être pas parce que ça fait préhistorique, ça fait singe poilu, ça fait descendants des singes qui étaient dans les arbres. Mais notre héritage est notre base fonctionnelle. Cet instinct, on ne le perçoit pas sa voix mais notre corps est lié directement à lui. Quand, aujourd’hui, l’homme moderne est dans une pièce avec des murs blancs, du carrelage, sans végétation, cet instinct nous dit : “Ecoute, ici, tu n’auras ni à boire, ni à cueillir, ni à manger, ni à chasser, tu vas mourir de faim et de soif, va-t’en de là”. On ne l’entend pas mais notre cerveau le sent. Et la preuve de ça est que si à cet humain vous faites des mesures d’activités cérébrales et qu’ensuite vous projetez simplement des images de nature à ce même humain vous observez que son activité cérébrale va être modifiée dans un sens d’apaisement de stress. Donc le simple fait de voir de la nature, même en image artificielle à l’intérieur d’un bâtiment, met le corps humain dans un état de stress abaissé.
Les enfants stressés ne sont pas en capacité maximale d’apprendre puisque leur nerf vague est affaibli au niveau de son activité. Si on veut optimaliser les capacités d’apprentissage d’un enfant, il faut le mettre dans des conditions optimales de non stress. Et la nature est un milieu qui est résilient et qui est réparateur parce que notre cerveau aime les milieux naturels. Notre système nerveux inconscient, lorsqu’il est exposé à des milieux naturels diversifiés – et la forêt est un exemple royal – ce système nerveux autonome envoie des signaux apaisants au système entier du corps. Ca nous échappe. Ca échappe à notre conscience. Mais ça n’échappe ni à notre manière de respirer ni à notre manière de fonctionner.
Apprendre dehors pour des résultats scolaires améliorés
Les conséquences de ça, par exemple de la forêt, au niveau du cerveau, il est démontré par exemple que si vous faites passer des tests à des enfants en dans une salle classique ou en forêt, les mêmes enfants auront de meilleurs résultats en forêt. Donc il y a des démonstrations parues dans des journaux internationaux tout à fait indiscutables, du fait que la forêt change, améliore le fonctionnement de notre cerveau.
D’autre part, il est également démontré que la présence de nature dans l’environnement proche de l’enfant va améliorer l’architecture du cerveau au cours de sa croissance. Partant de là, se dire quand-même que les enseignants rencontrent de plus en plus de difficultés à ce que les enfants suivent facilement à l’intérieur des classes. Il y a des endroits où les classes sont des lieux de grande tension, certains enfants sont hautement perturbés. Ils n’y peuvent rien. Il faut savoir qu’on les expose quand-même à des environnement complexes. Ils sont déjà perturbés et les environnements classiques, urbains, les salles de classe, ne sont pas optimal pour eux. Le transfert dans des milieux qui sont soit la nature ou faire rentrer la nature à l’intérieur des bâtiments – et je pense là aux murs végétalisés qui peuvent être une option parce que toutes les classes de la terre ne vont pas finir en forêt. Ce n’est pas accessoire, ce peut être considérable pour les enfants.
Laura de Ma Petite Forêt : Merci beaucoup Jean-Marie, pour l’exposition de tes points de vue qui vont servir, je pense, à beaucoup de monde. Merci beaucoup à toi d’avoir pris ce temps-là.
Jean-Marie DEFOSSEZ : Je t’en prie, au revoir Laura, à bientôt!
Sources :
1. Le nerf vague, également appelé nerf pneumogastrique, nerf cardio-pneumo-entérique, nerf parasympathique ou nerf cardiaque, est le dixième nerf crânien. C’est une voie très importante de la régulation végétative (digestion, fréquence cardiaque…) (la suite sur Wikipédia). Pour en savoir plus sur ce sujet, lisez l’ouvrage de Jean-Marie DEFOSSEZ “Se protéger des stress, inflammations chroniques et maladies chroniques grâce au nerf vague” et écoutez le podcast “Le nerf vague, un anti-inflammatoire naturel”.
Jean-Marie DEFOSSEZ (2016) Sylvothérapie. Le pouvoir bienfaisant des arbres.
Podcast très intéressant. Merci pour ces informations et des liens pour en savoir plus.
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