Ecole démocratique en nature, ça existe? La pédagogie par la nature, vous en avez entendu parler, ça vous tente mais vous manquez d’exemples inspirants? En voici un! Parmi les nombreuses initiatives qui existent déjà dans le domaine de la pédagogie par la nature, l’école Upaya est l’une des rares écoles qui proposent une scolarisation exhaustive des enfants. Située à Dry, dans le département du Loiret, Upaya se définit comme une école alternative, démocratique et en nature. J’ai eu la chance de pouvoir interviewer le co-fondateur d’Upaya, Nicolas HO dans un cadre convivial (lors d’une séance de l’Université Populaire de Sologne, une initiative que j’ai lancée en début d’année 2020 au sein de l’association Sologna Nature & Culture). Et je souhaite vous en faire profiter! Nicolas HO nous explique les bases de la création et du développement de ce beau projet pédagogique … devenu réalité!

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Genèse d’une  école démocratique

Introduction

Bienvenue à la conférence « L’école en nature » de l’Université Populaire de Sologne

Laura NICOLAS, responsable de l’Université Populaire de Sologne : Bonjour à tous et bienvenue à Sologna Nature et Culture, plus spécifiquement à l’Université Populaire de Sologne pour la première intervention de notre cycle thématique qui commence donc aujourd’hui et pour deux ans tous les mois, une intervention sur la thématique de la forêt de la, sous différents aspects. On est très heureuses toutes les deux, Michèle qui est présidente de Sologna et moi, trésorière de Sologna, de commencer avec une thématique qui nous tient beaucoup à cœur en tant qu’éducatrices, c’est celle du rapport entre l’éducation, l’école au sens large (mais on peut discuter sur tous ces termes parce que justement ils sont intéressants) sur l’école et le rapport à la nature. J’en viens à notre invité spécial de l’ouverture c’est Nicola Ho qui a cofondé avec Anne-Laure Gourmand l’école en nature Upaya à Dry à côté de Beaugency dans le Loiret. Nicolas est beaucoup plus que le cofondateur d’Upaya mais il a fait tellement de choses que je vais le laisser se présenter.

Qui est Nicolas HO ?

Nicolas HO, co-fondateur d’Upaya : et bien merci à toi, merci à vous pour l’accueil et puis merci d’avoir organisé cette journée, moi je suis toujours très joyeux à l’idée de venir partager ce qui me passionne et puis notamment aussi l’histoire d’Upaya. Upaya c’est l’école par nature aussi donc c’est comme ça qu’on l’a nommée et c’est un projet à l’origine qu’on a porté à trois familles historiquement donc il y avait Anne-Laure effectivement, Eugénie qui a quitté le projet en cours de route pour d’autres aspirations et j’en ai fait partie mais voilà c’était vraiment le noyau familial hein! Mon épouse aussi a énormément contribué, Marilyn, à porter le projet.

Donc moi je suis un des cofondateurs, président aujourd’hui d’Upaya et effectivement comme tu as dit je ne fais pas que ça c’est à dire que quand l’idée du projet a commencé j’étais sapeur-pompier professionnel j’ai été pompier pendant presque 3 ans, entre mes années de pompier volontaire, j’ai fait cinq ans pompier de Paris et puis ensuite pompier en Ile de France. Et puis j’ai fait le choix d’une reconversion pour pouvoir contribuer d’une manière sociale avec des dimensions qui me paraissaient plus essentielles aujourd’hui. Donc aujourd’hui je fais du coaching de vie, je fais de l’accompagnement individuel ou collectif, donc j’interviens dans les collectivités, dans les entreprises autour d’une thématique, l’intelligence corporelle émotionnelle et puis la communication relationnelle. Je m’appuie sur des bagages que j’ai dans ma gestion aussi du stress que j’ai beaucoup appris aussi dans mon métier. J’ai été instructeur de plein de petites choses, je m’appuie sur les compétences dans les arts martiaux. J’enseigne les arts martiaux depuis un peu plus d’une quinzaine d’années et les arts énergétiques, qui est tout ce qui est autour du Qi Kong voilà, Qi Kong méditation…

Le projet d’école démocratique « Upaya »

On a commencé à s’interroger (quand je dis on, c’est avec Marilyn, mon épouse) à l’arrivée de notre premier enfant, notre aîné Elsa qui a 12 ans aujourd’hui. On s’est posé la question “qu’est-ce qu’on voulait lui offrir en termes d’éducation?” et puis on s’est vite aperçu qu’on  atteignait rapidement nos limites en tant que jeunes parents, et, du coup, on était souvent désabusés et puis souvent sans réponse. Donc on a commencé à chercher, on a commencé aussi à se former, on a lu énormément de bouquins on, a commencé à participer aussi, on a commencé nos lectures par les ateliers Gordon. Il n’y avait pas grand-chose à l’époque, en dix ans il s’est passé beaucoup de choses quand-même. Et puis moi, inspiré que j’étais par aussi la lecture des bouquins de Pierre Rabhi, je me suis aperçu que sa fille avait créé une école, il y a aujourd’hui, une vingtaine d’années qui s’appelle la Ferme des enfants.

Et puis on a décidé d’aller à leur rencontre, donc on s’est déplacés jusqu’à chez eux, en Ardèche, dans leur éco-village qui s’appelle le Hameau des Buis. On a été tellement inspirés qu’on s’est formés (ils proposent des formations) et puis on a appris par leur partage, leur enseignement et puis par des échanges qu’on a eus Voilà les fondements pour pouvoir se lancer et puis et puis, pourquoi pas, nous aussi, créer une école.

Alors la genèse du projet c’était même plus ambitieux c’était de créer un éco village autour d’une école. Vivre ensemble en s’appuyant sur ce dicton africain qui dit qu’il faut tout un village, en tout cas toute une communauté, pour élever un enfant. On a été énormément inspirés par cela. Pourquoi je vous dis ça? Parce qu’on s’est aperçus qu’on était rapidement isolés en tant que parents avec la vie qu’on a dans des sociétés, telle qu’elle est construite aujourd’hui. On bosse chacun dans nos petites maisons, dans nos petits apparts… Et puis si on veut prendre du temps pour nous ou faire d’autres activités on se retrouve à courir après la famille ou une nourrice pour faire garder les enfants. Enfin voilà on est tout le temps en train de courir pour des solutions, ça devient une contrainte pour nous… Et il était hors de question que de créer une famille et puis d’avoir des enfants devienne une contrainte. On n’a jamais vécu comme ça mais on sentait le truc pointer le bout de son nez, en tout cas aussi quand on entendait nos amis, on côtoyait les familles, en tout cas ça peut en devenir un.

Et, du coup, on est partis avec cette idée-là, donc on a super collectif qui s’est créé, on avait trouvé un lieu… Ça ne s’est pas fait pour plein de raisons mais on a gardé le cap pour offrir un espace où on allait prendre soin des enfants, leur offrir un environnement qui respecterait leur rythme… Et qui respecterait aussi cet enthousiasme qu’on a à la naissance et qui parfois s’essouffle, voire même qu’on perd, qu’on met de côté et donc c’est comme ça qu’on s’est accrochés, qu’on est resté accrochés comme un chien à son os pour que l’école puisse voir le jour.

Donc là on est à la deuxième saison d’Upaya, aujourd’hui il y a une vingtaine d’enfants qui sont inscrits. On arrive au cas où voilà on va bientôt plus avoir assez de place, on va rentrer dans une phase où on va devoir choisir des stratégies pour faire grandir cette école et la faire perdurer dans le temps de manière durable.

Questions/Réponses

“D’où vient le mot “Upaya”?

C’est très ouvert ce mot, c’est un mot qui nous a beaucoup amusés déjà dans la manière de le dire et surtout c’est sa signification. C’est un mot qui est d’origine sanskrit et qui signifie transmettre de cœur à cœur. Donc c’est très en lien aussi avec cette intelligence émotionnelle dont je parle souvent.

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Tes enfants sont scolarisés à Upaya?

Alors pas directement mais l’école est ouverte dans l’intention, en tout cas elle est accessible aux enfants jusqu’à 18 ans. C’est pas le cas aujourd’hui, l’effectif va de 3 à 12 ans aujourd’hui. Ma fille n’en a pas bénéficié directement parce qu’elle a fait ses choix… Nous, on a nos choix de parents et elle a ses choix de cœur d’enfant. Et elle a une passion qui est la danse classique et elle a eu l’opportunité depuis deux ans d’intégrer une section un peu de “sport études”. Donc elle vit sa passion et elle bénéficie aussi d’Upaya sur les week-ends les ateliers qui se passent, voilà, il y a beaucoup d’échange qui se fait!

Concrètement une semaine d’élèves en école démocratique, c’est quoi?

Concrètement c’est vivant! Quand je dis “c’est vivant”, c’est parce que j’ai en arrière-pensée “c’est changeant”. Comme la nature, on voit là aujourd’hui on est là dans un super cadre, les feuilles commencent à tomber… Ces changements, c’est vivant, comme les saisons d’une année. Donc on va s’adapter aussi à ça, à la saison, puisque il y a plein d’activités qu’on propose en fonction des saisons. Et il y a un impact directement sur l’être, sur l’organisme. On n’a pas les mêmes envies en fonction des saisons! Il suffit juste un petit peu de s’observer pour le voir hein… L’hiver, j’ai pas les mêmes envies que l’été, ne serait-ce que même pour se nourrir ou pour les activités que je vais faire.

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Par contre, on a des envies de proposer quelque chose de différent et en même temps on n’est pas dupe qu’on fait partie d’une société et on veut faire partie de la société on veut pas faire un pas de côté pour faire du « contre » mais on veut faire du « avec » et du « pour ». Il y a rien chez nous qui est dans une posture de s’opposer à quelque chose. On est plutôt dans une posture de proposer quelque chose de différent. Du coup, la semaine est calée sur le calendrier de l’Education nationale. On est une école privée hors contrat enregistrée au Rectorat, à la préfecture et à la mairie de la commune sur laquelle où nous nous trouvons. On respecte le calendrier, donc une semaine de quatre jours (lundi mardi jeudi vendredi) et les vacances scolaires de la zone de l’académie d’Orléans. Et puis pour les journées, c’est une journée qui commence à 8 heures et qui se termine avec des activités qui se mettent en place avec des facilitatrices.

Aujourd’hui, il y a deux facilitatrices qui sont là toute la semaine plus une service civique. On a commencé l’année comme ceci, il y a un poste qui est ouvert pour un deuxième service civique et on attend un service civique européen. C’est notre souhait : on aimerait apporter aussi la dimension langue étrangère, une ouverture! Et on a une directrice qui nous soutient énormément là depuis quelques mois. C’est une jeune retraitée de l’Education nationale et qui a été elle-même directrice pendant sa carrière et qui est venue avec une amie qui était son adjointe, qui est directrice adjointe et qui est aujourd’hui directrice d’un établissement à Paris. Et qui est énormément inspirée par ce qu’on peut faire et qui nous soutient énormément donc on fait du lien. Il y a une passerelle qui s’est créée. Pour moi, il y a plus que cette dimension uniquement alternative, il y a cette dimension “on fait avec” et on contribue à une forme de changement de paradigme social

Comment on va faire, par exemple, un cours de maths à Upaya et dans quelle mesure c’est vraiment différent de ce qu’on va faire dans une école en intérieur assis dans une salle?

Alors, les facilitatrice il y a Anne laure et Nolwenn et elles sont toutes les deux présentent avec une reconversion donc Anne-Laure est chercheuse, de base, et elle a travaillé dans le labo du Musée de l’Homme, de l’Histoire naturelle. Et, pour Nolwenn, elle était dans la biologie. Du coup, elles vont soutenir et faciliter les élans d’apprentissage de l’enfant. Typiquement, l’année dernière, on a créé une structure de tipi et en créant la structure de tipi avec des bambous qu’on a ensuite recouvert de fougères (c’est un tipi végétal) et ben ça a permis de mettre en application, en tout cas pour les plus grands, Pythagore. Et pour nous, en tant qu’adultes, c’est la première fois qu’on utilise c’est ça! Et puis, il fallait que les pliages fassent telle mesure, qu’on crée un cercle avec… On a créé un compas, donc, en fonction, des âges et des niveaux, on a on a proposé la géométrie en action, je dirais fonctionnelle!

Et après, on a créé aussi une monnaie Upaya. Ils avaient envie de jouer au marchand. On s’est dit “mais comment »?” Donc ils ont créé leur pièce avec des rondins de bois, ils ont peint. Et puis, ils apprennent tout, du coup… Tout ça comptait, et puis aussi à bricoler, à utiliser leur main, on maintient une forme de dextérité…

J’étais venu proposer – parce que moi j’interviens mais je ne suis pas présent tout le temps sur le temps scolaire de l’école, je contribue plus aujourd’hui dans la coordination du projet et dans la formation notamment des équipes et j’ouvre des ateliers parentalité – et donc quand j’interviens j’essaie d’être au service des enfants. Et j’en ai un qui était à qui adore les maths et qui me dit “Tiens tu peux nous faire un truc en maths?”. Et j’ai voulu trouver un jeu pour attirer aussi les autres enfants de son âge. Donc, j’ai proposé un “Compte est bon”. Le compte est bon, il n’a pas duré 10 minutes, il a duré deux heures et on est allés jusqu’aux puissances! Donc sous forme de jeu, tu poses X chiffres et tu dois trouver, je te pose six chiffres et tu dois trouver le plus rapidement possible. Et puis, dans les calculs, en fonction de là où tu en es, tu connais l’addition que tu vas chercher, quand tu connais la multiplication tu utilises la multiplication… ça se décline, ça se déclenche en fonction de tes compétences jusqu’aux puissances… Moi j’avais plus rien à leur donner après!

Une pédagogie de projets démocratique

Quand ils sont passionnés, quand ils aiment, ils vont aller au bout d’une compétition. Si tu les coupes surtout pas dans leur élan, ils vont vraiment au bout de quelque chose. Et puis, quand il y a des projets, on aime bien aussi la pédagogie de projet et l’apprentissage transversal. On a beaucoup aimé l’exemple d’année dernière où les plus grands avaient envie de faire d’organiser une sortie vélo. C’est eux qui ont porté le projet du début à la fin : déjà il s’est voté ce projet, parce qu’on s’appuie beaucoup aussi sur la pédagogie des écoles démocratique donc l’école démocratique c’est : un humain une voix. Donc si je participe au projet je peux remettre en question les règles de vie de l’école et puis en proposer de nouvelles. Si ça ne me convient pas, j’ai en tout cas cet espace d’expression. Pour nous, ça nous permet de soutenir une forme aussi de liberté de penser, de libre arbitre et d’autonomie et de les former à la prise de décision. Des petits complètement responsabilisés aux prises de responsabilités, dès trois ans ils savent que c’est possible. Ils sont obligés, que la possibilité ne devient pas non plus dictatoriale. Mais c’est possible.

Et, du coup, ils ont voté un jour une sortie vélo. Ok, mais il fallait la monter de A à Z, faire un courrier ensuite aux parents pour savoir quels seraient les parents disponibles pour accompagner, pour qu’ils se positionnent pour être accompagnants. Quel va être le trajet, donc aller chercher un plan, définir le trajet pour les plus grands. Pour les plus petits (parce qu’on n’est pas au même rythme), d’avoir deux formats d’accompagnants. D’avoir un lieu de rendez-vous pour pique-niquer ensemble et puis de rentrer. Enfin voilà ils ont tous monté eux-mêmes… des petits projets comme ça ils en ont monté plein!

Par exemple, ils avaient rapidement mis en place une soirée d’écoute du brame du cerf, avec une sortie jusqu’à Chambord pour se mettre à l’abri d’un observatoire et écouter le brame. Ils ont tout créé de A à Z, donc il y a un apprentissage aussi dans la posture, donc on démystifie aussi l’adulte, on apprend à avoir confiance en soi. Et puis on assume nos projets : des fois j’ai la réussite du projet et puis des fois j’ai l’échec.

Quelle est la progression scolaire des enfants dans une école démocratique ?

On se doit de transmettre le “socle commun”, c’est comme ça que ça se nomme dans l’Education nationale1, et c’est un cycle qui est construit par cycle en général de trois ans, à partir de l’entrée à l’école de l’enfant, donc 6 ans. On les accompagne dans cette acquisition là et quand ils souhaitent, eux, poursuivent leurs études ou passer des examens ils les passent mais en candidat libre et non poussés par les accompagnateurs, voilà ça c’est notre engagement.

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Et puis, il s’avère que ces écoles-là elles sont inspirées en tout cas en France où elles ont été nommées “école démocratique” c’est pas nous qui l’avons choisi, donc on fait partie de ce réseau-là. C’est un réseau d’un plus d’une trentaine d’écoles existantes qui sont sur pied. Il y a déjà un projet d’une trentaine voire une quarantaine d’écoles en cours, c’est un mouvement qui se développe et s’inspirent notamment d’un bouquin qui s’appelle “Libres enfants de Summerhill”. Et, du coup, il y a des écoles, mais il y a des mouvements en Angleterre, aux Etats unis, qui sont plus vieux qu’en France. On a des retours : il s’avère que les enfants qui sortent de ces écoles-là sont très prisés par les grandes universités parce que c’est des gens qui ont une énorme autonomie et confiance en eux, qui savent prendre parole, qui savent manager. C’est facile pour eux de prendre le leadership et ne pas prendre le pouvoir sur mais le pouvoir avec.

Donc, comment nous on va inspirer l’enfant, devenir inspirant pour que lui à son tour soit inspiré et devienne à son tour inspirant… Si on maintient cet élan de créativité, cet enthousiaste et si on donne les clés d’une connaissance de soi et d’une mécanique interne c’est plus simple d’aller vers les autres et à l’externe pour aussi oser créer du nouveau parce que si c’est juste les préparer pour qu’ils retournent ensuite dans des entreprises et puis qu’ils en sortent avec – là je vais généraliser, c’est une généralisation vraiment avec un raccourci, c’est bateau ce que je vais faire mais – si c’est pour qu’il fasse un burn-out et puis une reconversion à 35 ans sans savoir comment faire … J’en ai fait un j’en ai fait, je vais dire un “petit burn out” mais j’ai fait mon burn out… J’en connais plein autour de moi qui l’on fait… C’est comment prévenir aussi cela! Moi je suis pas ok avec ça. Parce qu’à un moment on s’essouffle et on perd une forme d’enthousiasme.

Moi, les enfants que je côtoie ils ont eu un enthousiasme! C’est extraordinaire quand il y a une joie du cœur qui est là, il y a un bonheur… Comment ne pas l’altérer? On peut créer des sociétés qui préservent ça!

Quels points communs entre école démocratique et autres pédagogies alternatives?

On s’inspire aussi de Montessori, on utilise du matériel qu’ils proposent. Tant que ça peut soutenir l’apprentissage de l’enfant, on va l’utiliser. Mais on ne va pas s’attacher à UNE méthode et UNE couleur à proprement parler. Car, dans notre expérience aujourd’hui, ça peut avoir des limites : quand ça soutient, c’est super mais si ça soutient pas pourquoi ne pas s’appuyer sur autre chose? Surtout qu’il y a des contemporains aussi qui ont créé des choses! C’est pas que c’est d’un autre temps, ils ont fait du mieux qu’ils pouvaient, c’est hyper inspirant. Mais aujourd’hui on peut aussi s’inspirer des choses qui sont nouvelles, qui sont de notre temps. Je pense là à Catherine Gueguen, qui soutient aussi beaucoup l’éducation, la parentalité… Et avec Déclics aussi, une association qui propose de soutenir les éducateurs, les femmes qui ont créé Déclics – Catherine Schmider et Véronique Gaspard m’inspirent énormément. Je me forme auprès de Véronique Gaspard en Communication Non Violente. Et puis je suis très inspiré par Céline Alvarez qui contribue aussi, à sa manière, avec ce qu’elle a pu proposer.

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J’ai bien aimé les travaux de Dehaene en neurosciences où il met en avant les quatre piliers de l’apprentissage. Il a mis en lumière quatre piliers d’apprentissage ; on sait qu’aujourd’hui un enfant va aller spontanément sur quelque chose, on le laisse faire, ensuite on va renforcer l’expérience. On va les inviter à y retourner et puis on va y donner du sens. Après donc c’est pour ça que des ateliers sont ouverts sur le quotidien, la vie de tous les jours. C’est pour ça qu’on favorise aussi le mouvement, on ne va pas mettre des chaises et des tables et puis demander à l’enfant d’être assis toute la journée. On va laisser l’enfant, lui permettre de s’exprimer, de bouger et puis d’aller dehors dans la nature…

Justement, la nature…

On est aux portes de Sologne, donc la forêt… On est sur une propriété privée, sur laquelle j’habite, et l’école est posée dessus. Donc on est dans la partie prairie et à côté on a des forêts qui ne nous appartiennent pas mais qui nous permettent de faire les balades et activités. Donc dès qu’un atelier se met en place autour de la balade et de la forêt, de l’observation… Très clairement, tout est prétexte à observer : ils ont fait de la chasse à la libellule, il y en a beaucoup qui sortent en ce moment (septembre). Un enfant, quand il pleut, il s’éclate!

Les tenues d’une école en pleine nature, il y a des tenues de rechange, ça fait partie du paquetage! Tenue d’extérieur avec des sur-pantalons, des combinaisons, des bottes, etc. Ce qui permet de rester dehors au chaud et au sec!

Le rapport de l’école démocratique aux nouvelles technologies?

On ne s’est pas penchés dessus… On est vraiment plus ouverts à l’observation de la nature… Je voulais dire ça aussi, que quand on appelait Upaya “l’école par nature” l’école pour nous c’est un lieu qui permet d’accueillir l’enfant et de lui permettre l’épanouissement et l’apprentissage est “par nature”. C’est pas que la nature qui nous entoure c’est aussi sa nature, sa propre nature, sa connaissance de soi et aussi de la nature. Donc, les fondements de la relation dans le vivre ensemble. A part ça, moi, je suis fasciné par ce que Dehaene fait mais on veut pas être sur tout et partout… Moi personnellement j’adore aussi les travaux d’Antonio Damasio et aussi Daniel Goleman qui fait du super boulot en intelligence émotionnelle/relationnelle.

Est-ce que tu peux définir l’intelligence émotionnelle et comment la travailler ?

J’aime bien m’appuyer sur la vision qu’on a trois centres. Alors ça je le savais dans les arts martiaux, les Chinois ils avaient nommé le Tan Tien, notamment. Et il y a dix ans, une quinzaine, vingtaine d’années, les scientifiques ont démontré qu’effectivement on avait des neurones dans les intestins à peu près autant que dans le cerveau d’un chien. Et aujourd’hui on sait aussi qu’on a des neurones autour du cœur, donc on a un centre d’intelligence avec notre néocortex, ça on le savait dès le départ qu’on y avait des neurones… Et les expressions populaires le montraient aussi déjà en mettant “du cœur à l’ouvrage” ou “montre-moi ce que tu as dans les tripes”… Il y avait déjà quelque chose, sans que ce soit appuyé sur de la vérité scientifique, il y avait cette vérité qui était là.

Après, moi je suis aussi très inspiré par Damasio sur les émotions et j’aime beaucoup aussi les travaux de Marshall Rosenberg qui a travaillé dans la dimension sociale. Il y a donc ce changement de paradigme en partant du postulat que chaque être humain est par nature un des deux : contributions et collaborations. Pour lui, le challenge, c’est de se mettre en lien dans la relation à soi et aux autres, dans la zone de nos besoins de ce qui est vivant pour nous. Donc c’est encore un étage en dessous que la zone de nos émotions et nos sentiments et ça va nous chercher dans le ressenti. Et, du coup, la question est : “Comment j’aligne tout?”. Une forme d’alignement dans notre verticalité, qui est magnifiquement imagé par l’homme de Vitruve de Leonardo de Vinci! Donc je m’aligne dans ma verticalité, au niveau de mes trois centres. Mais quels sont mes besoins de manière vitale? quelles sont mes émotions? l’état dans lequel je me trouve? Et, du coup, qu’est-ce que je veux? qu’est-ce que je veux en faire? quels sont mes rêves? et comment je vais prendre des décisions? ça va m’aider à la prise de décision et au passage à l’action et à la réalisation des choses. Et, du coup, c’est le potentiel : “quels sont mes potentiels?”, “qu’est-ce que j’ai dans mes mains »?”

Evaluez-vous les élèves en école démocratique?

Pour ce qui est de l’évaluation, on en fait pas le choix directement mais on est inscrit au rectorat et on est tenu de pouvoir rendre compte de l’apprentissage de l’enfant dans le socle commun. Donc, bien sûr, les parents, les familles et les enfants sont au courant. On remplit des carnets individuels sur lesquels les inspecteurs académiques peuvent s’appuyer pour vérifier l’avancée. Honnêtement, nous ça nous permet d’être en lien aussi avec cette dynamique. Ca donne des repères aux inspecteurs, aux parents pour aussi parfois pour les rassurer. Et puis finalement, voilà, quand on accueille de ce point de vue-là, on est plus détendu, plus tranquille. Mais on ne va pas noter, on ne va pas évaluer, il ne va pas y avoir de contrôle. Il y a des raisons réglementaires mais je vois que ça donne des repères aussi et les enfants sont contents, pour certains. Du coup, ça répond à tous types de profils. Nous on est tenus normalement d’accompagner et puis de permettre à l’enfant d’acquérir des compétences par cycle donc c’est pas sur une année, ça, dès le départ, on explique aux familles. Donc il n’y a pas une attente en fin de CP, on dézoome et on s’offre un peu plus de temps et d’espace parce que ça aide. Sur 3 ans, c’est déjà une tranche d’âge donc, du coup, déjà ça détend beaucoup plus de ce qu’on observe de notre expérience. En tous cas, sur la première année, on voit que les enfants vont spontanément vers la lecture quand ils en ont envie. 

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Et moi je trouve ça assez rigolo, l’année dernière, post-confinement, on a repris l’école. Et il y avait une enfant qui vivait pas super bien la séparation de à maman quand elle la déposait le matin. Il y avait de l’émotion et ce qui lui a été proposé, c’était d’écrire à sa maman pour lui donner pour partager l’émotion qu’elle avait du matin. Et c’est une enfant qui avait quatre ans, qui va en avoir cinq donc qui ne savait pas écrire. Donc l’idée c’était de faire un modèle et qu’elle écrive par-dessus et puis qu’elle l’offre à sa maman. Donc sa maman était super heureuse parce que c’était la fête des mères tous les jours! Et puis, de “je réécris dessus” ça a été “je recopiais en dessous” et puis maintenant elle sait écrire pas mal de mots et ça a fait effet boule de neige : il y a plein d’enfants qui ont voulu faire pareil et du coup il y a plein d’enfants qui n’ont pas l’âge d’écrire selon les attentes du socle mais qui s’y sont mis plus tôt. Et, pour certains, ils se sont mis aussi à lire : s’il est très motivé, la motivation l’ancre dans le besoin psycho affectif. Donc là on a saisi ce qui se passait dans le vivre, ça demande beaucoup d’attention!

Et la formation d’enseignants?

Le premier axe que je proposerai pour la formation des enseignants, ce serait celui de l’accueil, de l’humain, et ce pour chacun de nous. Et de pouvoir proposer à chaque éducateur, chaque personnel qui va être en face de nos enfants, que ce soit l’éducation nationale où d’ailleurs, d’avoir des compétences dans la relation à soi. Qu’est-ce que ça permet? Ça me permet d’avoir du discernement et d’avoir conscience de l’attention que je mets dans ma relation à l’enfant. Je peux être face à un enfant et lui proposer quelque chose d’hyper attrayant (j’ai l’image du parc d’attractions)… Mais c’est quoi mon attention – ou mon intention, les deux me vont! – quand je lui propose le parc d’attractions? C’est joli, ça crée du rêve mais mon attention derrière, elle est quoi? Et puis après je peux proposer un autre espace mais avec une autre attention qui sera beaucoup plus au service peut-être de l’enfant dans le collectif et pour l’individu. Quand je suis enseignant c’est quoi mon attention? pourquoi je suis là? dans quel espace? Je veux me mettre en interaction avec ces enfants? Je pense que ça serait tellement mieux pour la transmission, le partage et puis la relation aux autres…

Le deuxième point, ce serait d’aménager les espaces. Alors on ne va pas casser les écoles pour les reconstruire, mais on peut déjà aménager les classes, on peut recréer l’intériorité c’est comme une maison quoi! On peut aussi être les architectes de nos vies en recréant des espaces… Moi j’aime beaucoup le dernier bouquin de Céline Alvarez ou elle partage son expérience en Belgique où elle était amenée à accepter un projet qui pour moi était hyper ambitieux. C’était d’accompagner les maîtres d’école en Belgique avec zéro moyens. Et l’action qu’elle a eue c’était un partage de connaissances sur l’enfant et sur la manière dont un être humain, un enfant apprend. Parce qu’il y a une méconnaissance du cerveau. On parle de neurosciences et d’épigénétique et c’est exactement cela. Donc quand j’ai cette connaissance-là eh ben je vais comprendre plein de choses et je vais avoir beaucoup moins d’attentes ; ça m’offre encore une fois du discernement. Si je sais qu’à cinq ans le cortex orbitofrontal n’est pas encore mature, je vais pas attendre d’un enfant qu’il ait des réactions d’adultes dans sa gestion des émotions. Il vit des montagnes russes émotionnelles et c’est ok, ça fait partie de son évolution. Et puis en termes d’environnement, du coût d’aménagement des espaces et ben je vais offrir un espace qui va permettre aux enfants et aux éducateurs un espace dans lequel on va pouvoir vivre bien ensemble.

Parce que c’est aussi se prendre en compte soi! Quand je suis éducateur, de m’inclure dans le système et pas en-dehors du système. On a cette culture où je vois un problème et je ne fais pas partie du problème, le problème est toujours sur l’autre. Si je m’inclus dedans, du coup je vais être actif en fait à tout ça!

Laura NICOLAS : Merci beaucoup Nicolas pour ce partage très riche!

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1. Le socle commun de connaissances, de compétences et de cultures du ministère de l’Education nationale est disponible sur cette page.

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2 Responses

  1. Superbe initiative d’associer la nature et l’école démocratique. Il n’y a pas de meilleur école qu’une école ouverte sur le monde qui nous entoure, en laissant les enfants libres de leurs apprentissages. C’est le meilleur moyen de leur permettre de découvrir ce et ceux qui nous entourent. Bien mieux qu’enfermés entre 4 murs toute la journée quand on a besoin de bouger, de voir des choses, d’apprendre. On s’étonne que les enfants qui vont à l’école « classique » ne soient plus curieux ! Mais si on ne les empêchait pas de l’être, voire même parfois leur interdisait en les empêchant de poser des questions et de s’intéresser à autre chose que ce qu’on veut leur imposer par qu’on décidé que c’est ça qu’il fallait savoir, et apprendre à cet instant précis, tous en même temps !

    • Oui, l’école « hors les murs » est une nécessité, à mon sens. On apprend tellement mieux en situation, sur le moment, plutôt qu’être assis à un bureau (c’est Idriss Aberkane qui fait remarquer l’incohérence qu’il y a à élever un enfant pour qu’il puisse marcher et parler afin de l’envoyer à l’école où on lui demandera de s’asseoir et de se taire!)…

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