Entretien avec Claire Boulch – L’école de la forêt finlandaise

Présentation de Claire Boulch

Laura : Je suis très heureuse aujourd’hui de recevoir Claire BOULCH que j’ai rencontré via son film « L’école de la forêt finlandaise ». Mais avant de vous en dire plus, je vais la laisser se présenter :

Bonjour Claire !

Claire : Bonjour Laura merci beaucoup pour l’invitation ! Donc moi je suis formatrice en pédagogie par la nature. Et aussi comme tu l’as dit, réalisatrice du documentaire sur l’école de la forêt finlandaise, une éducation riche de sens.

Claire Boulch

D’où t’es venu cet intérêt pour l’école de la forêt, les forest-schools et le monde de la pédagogie par la nature ?

D’où ça vient ? Peux-tu nous l’expliquer ?

Expatriation en Finlande

Claire : Ca vient de Finlande, car j’ai vécu en Finlande en expatriation pendant 3 ans. Et j’ai découvert le monde des écoles de la forêt ou en tout cas, celles qui étaient en Finlande. Parce que d’emblée, je me suis beaucoup intéressée au système éducatif finlandais.

Je voulais comprendre pourquoi ce système était encensé.

Et puis j’ai eu l’opportunité d’animer des séminaires de formation à destination de délégations académiques d’élus français que j’accueillais en Finlande.

Et de fil en aiguille j’ai entendu parler d’une école de la forêt où les enfants apprenaient à écrire avec des bâtons dans la terre, et à compter avec des cailloux et ça m’a vraiment interpellée.

image tirée du documentaire

L’école de la forêt comme sujet de mémoire

Donc j’ai pris rendez-vous avec l’enseignante. Et quand je suis arrivée dans cette école de la forêt, tout de suite je me suis dit que j’allais trouver mon sujet de mémoire. Parce qu’en fait mon projet initial d’expatriation était une reprise d’études, un master en sciences de l’éducation sur la pleine conscience. Et là, très clairement, la pleine conscience, la conscience à soi, la connexion à la nature, j’avais trouvé mon sujet !

Mon mémoire, je l’avais déjà imaginé comme une opportunité de découvrir la culture, de m’intégrer.

Un stage d’observation qui se prolonge

Donc, j’ai demandé à faire un stage d’observation dans cette école de la forêt qui devait durer un mois et qui, finalement, a duré cinq mois. J’y suis allée deux jours par semaine de janvier à la fin de l’année puisque là-bas c’est fin mai. J’ai été immergée dans cette école avec un groupe d’enfants qui avaient 5 et 6 ans : on n’avait pas de langue commune parce qu’ils ne parlaient que finnois et moi je parlais anglais avec l’enseignante.

image tirée du documentaire « L’école de la forêt finlandaise »

Le documentaire « L’école de la forêt finlandaise »

Cela a été une grande expérience de vie aussi, et, moi, mon rôle principal a consisté à surtout prendre des photos et puis aussi à tourner des images. Mais je n’avais pas encore l’idée de faire un documentaire : c’est une idée qui a germé petit à petit.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu:  16 recettes végétariennes au feu de bois

Et lorsque je suis revenue en France, je suis revenue avec un beau cadeau : un documentaire monté, achevé et qui tourne maintenant dans toute la France. J’ai fait entre 20 et 30 dates.

L’objectif de ce documentaire, c’est vraiment de pouvoir communiquer autour des bienfaits de ce modèle éducatif.

Qu’as-tu observé lors de ton immersion dans cette école de la forêt en Finlande ?

Laura : Et, justement, parlons de cette expérience d’observation que tu as pu faire, à la fois de recherche, d’observation, d’analyse et de tournage documentaire. C’est une sacrée expérience ! Est-ce que tu pourrais nous résumer les points clés que tu as vus, observés, les points qui t’ont le plus plu et peut-être d’autres observations parallèles que tu as pu faire ?

Claire : Déjà, à titre personnel, ce stage d’observation, cette découverte, a donné un nouveau sens à ma vie. Cela m’a permis de m’immerger dans une idée très positive et dans ma posture qui était plus une posture de recherche académique, universitaire. Je n’y ai vu que très peu de limites alors que je cherchais puisque je devais avoir un regard critique. Mais moi, de ce que j’ai vu, c’est une idée facile à mettre en place et qui a énormément de bienfaits pour l’ensemble de la communauté éducative.

Des enfants motivés,

Je pense aux enfants en premier car je pense que ce modèle correspond parfaitement aux besoins de l’enfant : à ses besoins de se mouvoir, de s’exprimer, de parler fort, à ses besoins d’apprendre… Parce que la nature est sans fin, en fait, et les enfants qui sont naturellement curieux apprennent beaucoup et développent une motivation endogène qui est hyper intéressante pour eux.

image tirée du documentaire « l’école de la forêt finlandaise »

Des enseignants heureux…

Ce que j’ai découvert, aussi, c’est pour les enseignants : j’ai vu des enseignants heureux, qui ne pourraient plus jamais retourner enseigner à l’intérieur. En tout cas, c’est ce qu’ils disaient. En fait, la première chose qu’ils disaient, c’est que le bruit abime les oreilles. Et donc là, en forêt, il n’y avait plus ce problème de bruit car un enfant qui va s’exprimer assez fort, il ne va pas déranger les autres. Donc, en fait, ça ne perturbe pas les séquences pédagogiques, ni les autres. Du coup, c’est un peu une révolution pour des enfants de cet âge.

image tirée du documentaire

Et des parents ravis !

Et puis, pour terminer, il y a les parents. Ils y voient beaucoup de bienfaits : l’enfant, lorsqu’il a couru, qu’il s’est dépensé physiquement toute la journée, il arrive à la maison et il est plus calme. Il a faim puisqu’après un effort physique on a faim. Il va mieux manger et il va bien dormir, il n’aura pas de mal à aller se coucher et il va dormir jusqu’au lendemain. Toutes ces informations, je les ai eues grâce à des entretiens réalisés avec des parents et eux aussi en tirent des bénéfices.

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui souhaitent se lancer dans l’école de la forêt ?

Laura : Et si on en revient plus particulièrement aux enseignants, aux éducateurs, aux adultes qui souhaiteraient accompagner les enfants dehors en terme éducatif, à travers une école dehors, des classes dehors ou bien même des accueils collectifs de mineurs qui soient en forêt ou en nature, quels conseils pourrais-tu donner aux débutants, à ceux ou celles qui voudraient se lancer dans l’aventure ? Quels transferts aussi du monde de la Finlande à celui plus franco-français, avec le contexte culturel qui va avec ?

Bref comment tu nous conseillerais ici et maintenant de démarrer ?

image tirée du documentaire « L’école de la forêt finlandaise »

Osez expérimenter !

Claire : Moi je dispense des formations à des enseignants qui souhaitent pratiquer la classe du dehors en France. C’est une demi-journée par semaine toutes les deux semaines. Poursuivre le programme scolaire mais dans un environnement différent et donc continuer la classe mais dehors. Et la première chose que je leur dis, c’est  : expérimentez ! C’est : osez faire différemment ! Et se faire plaisir en tant qu’enseignant : le fait, comme je l’ai dit, que les enseignants ne soient plus perturbés par les bruits, ça se passe aussi différemment pour eux et ça fait plaisir à tout être humain d’être en nature, en plein air. Eux aussi en retirent beaucoup de bénéfices. Donc, ça c’est la première chose. Evidemment, ils le font dans le cadre de leur métier pour leurs élèves, mais eux aussi y trouvent un intérêt, un plaisir. Donc ça c’est important.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu:  Ecole-forêt : un coin « Création Bois » ?

Osez communiquer !

Après il faut créer sa pratique, oser communiquer notamment aux parents. Les feed-back que j’ai des enseignants, c’est toujours la peur du regard de l’autre. Une enseignante me disait récemment qu’elle se sentait un peu prisonnière du regard que peuvent avoir les parents qui accompagnent, car il y a aussi des parents accompagnateurs. Ce que je conseille, c’est d’avoir aussi un dialogue avec eux, mais franc. C’est de leur dire « Qu’en pensez-vous ? ». Et d’échanger, ne pas juste recueillir des informations, mais aussi de pouvoir poser des questions : « Pourquoi vous pensez ça ? ». Les parents peuvent aussi être source d’encouragements. Pour eux aussi, c’est chouette d’aller un mercredi matin avec un groupe d’élèves, avec son enfant qui est intégré dans un groupe, le voir évoluer et puis d’être en plein air. Il y a des journées avec un grand ciel bleu et on est super content d’être dehors !

Préparez votre projet !

Après, en terme de conseils, je pense qu’aller en nature, ça ne s’improvise pas. Il faut bien préparer à l’avance, bien solutionner la question de l’équipement. Et donc, pour cela, avoir un dialogue permanent avec les parents. Et aussi, dans l’idée d’une bonne communication, en parler à ses pairs, ses autres collègues enseignants, sa direction d’établissement. Pour que cette idée pionnière ne soit plus aussi pionnière qu’elle ne l’est actuellement mais qu’elle se développe, se démocratise. En fait, cette idée ne demande pas un coût financier. Et c’est ça qui est intéressant ; faire les choses différemment sans pour autant investir dans des moyens financiers supplémentaires.

Adaptez votre pédagogie à votre public !

Et pour répondre à ta question du transfert du modèle en France, c’est pas du tout ça. On ne pourra jamais transposer un modèle tel quel et ça n’aurait aucun sens car un modèle éducatif est très lié à une culture, une histoire d’un pays, d’un groupe social en particulier. Mais je pense que le point commun que je vois c’est la pédagogie par la nature qui est très peu connue encore en France qui regroupe des principes issus d’autres pédagogies, Steiner, Montessori, etc. Disons que dans la pédagogie par la nature on n’est pas dans une démarche naturaliste. C’est à dire qu’on continue le programme et les objectifs pédagogiques ne changent pas mais on va adopter une méthodologie.

Faites appel à la créativité naturelle des enfants

Par exemple, on n’a pas de fichiers scolaires, on n’a pas de cahiers, pas de crayons mais on utilise tous les matériaux de la nature. Et là on fait appel à la créativité de l’enfant qui est sans fin : le land art, on peut écrire sur le sol et apprendre à compter pour un âge que je connais le plus, qui est celui d’enfants de 4 à 7 ans. Etant donné les objectifs pédagogiques attendus, on peut apprendre plus et mieux qu’à l’intérieur.

image tirée du documentaire

Merci Claire !

Laura : Merci beaucoup pour ces conseils, Claire. Alors je souhaite préciser avant qu’on se quitte que tu peux être contactée à l’adresse qu’on va bien sûr donner juste en dessous du podcast, que ce soit par rapport à tes ateliers de formations ou bien à l’organisation de ciné-débats autour du film « L’école de la forêt finlandaise ».

Un très grand merci Claire, les lecteurs vont apprécier et je l’espère tenter en masse l’aventure de l’école-dehors et de la pédagogie par la nature.

Pour contacter Claire et organiser un ciné-débat, visitez son site : https://ecoleforetfinlande.wixsite.com/documentaire

Si vous avez aimé l'article, vous êtes libre de le partager
#

No responses yet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *